Un Christ nu sous Louis XIII
2017
Collectionner c’est faire des rencontres auxquelles on n’est pas toujours préparé.
En tous cas cette rencontre je ne l’attendais pas.
IL a surgi d’un carton de la région de Mulhouse où IL était profondément enfoui depuis de nombreuses générations.
Je n'étais pas préparé à cette rencontre pour la bonne raison que les sculptures de Christ nu sont des œuvres traditionnellement attribuées ou attribuables à l’époque de la Renaissance soit aux XIVe/XVe siècles italiens soit aux XVe/XVIe siècles pour le reste de l’Europe. Or, ce Christ en bonze est postérieur à l’époque de la Renaissance.
L’abondance de sa chevelure permet d'emblée d'envisager une date de réalisation à l’époque de Louis XIII (1601-1643). Là n'est pas la seule caractéristique qui milite en faveur de cette datation. L’allure générale du corps légèrement déhanché, les jambes parallèles bien séparées, le pied gauche situé en léger retrait du pied droit, le regard du Christ orienté vers le ciel sont d’autres caractéristiques iconographiques fréquentes au milieu du XVIIe siècle.
La stylisation des traits du visage et de l’ensemble du traitement anatomique traduit qu’il s’agit d’un travail de Fondeur. Chaque millimètre de matière a été repris à la lime et au ciselet et le corps a été entièrement poli afin de recevoir une argenture de laquelle ne subsiste aujourd'hui que d'infimes traces sur l’envers des bras. Car malheureusement, comme de nombreuses fontes d’art en bronze argenté noircies par le temps, ce Christ a été nettoyé avec un produit à raviver le bronze ce qui a pour conséquence désastreuse d’éliminer l’argenture sauf dans quelques rares zones en creux ou sur l’avers.
Observez l'aspect béant de la blessure située conformément à la tradition sur le côté droit du Christ .
Cette blessure ne laisse aucun doute sur la mort du Christ pourtant le Fondeur a pris le parti de montrer un Christ vivant. Le Fondeur veut ainsi signifier que le Christ a réssuscité au sein du Paradis. C'est la Résurrection du Christ au sein du Paradis qui autorise le Fondeur à montrer un Christ nu car au Paradis les Hommes ont l'Innocence des premiers jours de la Genèse et ILS vivent nus.
Sur le plan historique et liturgique il n’est pas anachronique que ce Christ révèle sa nudité compte tenu de sa datation.
S’il est exact que le Concile de Trente qui s’est achevé le 15 décembre 1563 a exigé des Artistes qu’ils dissimulent la Nudité du Christ il est avéré également que les décrets du Concile de Trente ont été ratifiés, en France, et appliqués à la lettre par le Clergé qu’à l’issue de l’Assemblée de 1615.
Un léger aplat d’usure est observable sur la hanche gauche du Christ. Il est peut être l’indice que la Nudité du Christ a été dissimulée un temps par un linge de pudeur simplement cerclé autour des hanches et égaré aujourd’hui.
Ce Christ en bronze est un rare survivant d’une période de grande liberté d’expression.
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Publié le 13 novembre 2017